Sujet : L’écriture à la première personne permet l’adhésion immédiate du lecteur. Pourtant, elle n’a pas toujours un même objectif. Les genres de l’écriture de soi sont divers, et répondent à des fonctions différentes. En vous appuyant sur les textes du corpus, ainsi que sur l’étude de Si c’est un homme de Primo Levi, vous tenterez d’analyser les motifs pour écrire à la première personne du singulier.
1. Analyse du sujet :
Écriture à 1ps = « je », autobiographie, autofiction, auteur = narrateur = personnage…
Adhésion du lecteur = confiance, pacte de lecture, croire en la véracité du récit, identification / histoire, émotions, expérience, partage d’une expérience…
Objectifs = écrire pour témoignage historique, pour partage expérience ou réflexion, pour réflexion sur l’homme, ou sur un genre littéraire, ou sur les problèmes de la mémoire, ou sur les problèmes de la subjectivité, pour se libérer d’un poids, pour se justifier, pour se montrer sous un aspect différent, pour permettre un échange, une confrontation avec lecteur…
Genres divers = autobiographie, biographie, autofiction, essais, témoignage, correspondance…
Motifs = raisons, écrire pour soi, écrire pour l’autre, écrire de la part des autres, écrire pour les générations futures…
2. Problématique :
Comment l’emploi de la première personne du singulier permet-elle d’agir sur le lecteur ?
3. / 4. Plan et vérification du plan :
I. La première personne s’appuie sur la confiance du lecteur :
A. Elle nécessite un pacte de lecture et donc une lecture particulière et bienveillante.
B. Elle doit se justifier en tant que parole vraie.
C. Elle permet de partager une intimité, une expérience, à laquelle on peut s’identifier.
II. Mais surtout la première personne permet d’influencer le lecteur :
A. Elle le pousse à réfléchir sur l’homme.
B. Elle lui transmet des informations historiques qui peuvent changer sa vision des choses.
C. Elle montre la subjectivité des événements.
5. Introduction et conclusion :
C’est avec la naissance du Romantisme et l’émergence de la notion d’individu que l’écriture à la première personne commence à prendre un sens autobiographique, dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau au XVIIIème siècle. Depuis, il semble que l’écriture à la première personne facilite l’adhésion immédiate du lecteur. Pourtant, elle n’a pas toujours un même objectif. Les genres de l’écriture de soi sont divers, et répondent à des fonctions différentes. Nous nous demanderons alors comment l’emploi de la première personne du singulier permet-elle d’agir sur le lecteur ? Il est indéniable que le pronom « je » s’appuie sur la confiance que lui accorde le lecteur, pourtant, c’est surtout pour susciter la réflexion que les auteur utilisent le « je ».
Il apparaît par conséquent que l’écriture à la première personne ne peut exister sans la confiance qui lie l’auteur et son lecteur, et que c’est grâce à cette confiance que « je » parvient à réfléchir et à entraîner la réflexion de l’autre, sur des sujets universels, alors même que l’écriture est personnelle. Le paradoxe de cette écriture qui dévoile une individualité en même temps qu’elle évoque une réflexion générale suppose à l’époque moderne que les auteurs jouent avec ce paradoxe au cœur même de l’autobiographie, en interrogeant les limites du genre, notamment par le biais de l’autofiction, comme c’est le cas dans l’interrogation que se pose le personnage de Manu Larssinet dans Le Retour à la terre de Manu Larcenet.
6. Au propre :
C’est avec la naissance du Romantisme et l’émergence de la notion d’individu que l’écriture à la première personne commence à prendre un sens autobiographique, dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau au XVIIIème siècle. Depuis, il semble que l’écriture à la première personne facilite l’adhésion immédiate du lecteur. Pourtant, elle n’a pas toujours un même objectif. Les genres de l’écriture de soi sont divers, et répondent à des fonctions différentes. Nous nous demanderons alors comment l’emploi de la première personne du singulier permet-elle d’agir sur le lecteur ? Il est indéniable que le pronom « je » s’appuie sur la confiance que lui accorde le lecteur, pourtant, c’est surtout pour susciter la réflexion que les auteur utilisent le « je ».
Tout d’abord, l’écriture à la première personne nécessite que le lecteur aie confiance en la véracité de que qu’il lit, non seulement pour mener une lecture bienveillante de l’œuvre autobiographique, mais aussi parce que ce texte se présente comme vrai et partage une expérience vécue.
En effet, l’œuvre autobiographique cherche immédiatement à gagner la confiance du lecteur, au moyen d’un pacte de lecture qui doit être noué dès l’incipit, voire même parfois avant. Ainsi c’est dans la préface de Si c’est un homme que Primo Levi affirme « je crois inutile d’ajouter qu’aucun des faits n’y est inventé ». Cette revendication de la vérité semble alors indispensable aux auteurs qui s’essaient à la première personne, comme aux lecteurs qui peuvent lire sans méfiance l’œuvre autobiographique. Par exemple, la même préface signale au lecteur qu’il pourra assouvir pendant sa lecture son besoin de « documents [pour] une étude dépassionnée de certains aspects de l’âme humaine. » Par conséquent, rassuré, le lecteur adhère à la narration de la première personne.
Cela implique bien sûr que le genre autobiographique se justifie en tant que vrai, en définissant son projet autobiographique, pour permettre de comprendre les intentions de l’auteur. L’incipit des Confessions de Jean-Jacques Rousseau explicite les raisons qui conduisent l’auteur à parler à la première personne : « je veux monter à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ». Parler de soi pour dire la vérité à tous les hommes, telle est la justification de la rédaction de l’œuvre. Ecrire « je » suppose, pour emporter l’adhésion du lecteur, la justification explicite des motivations de l’autobiographe.
En outre, l’auteur qui utilise la première personne mène la difficile expérience de partager une expérience personnelle, une intimité. Dans Le Retour à la terre de Manu Larcenet, le personnage du dessinateur, Manu, refuse d’évoquer la possibilité de parler de thèmes personnels, comme celui de la vie de couple, que lui propose son scénariste. Ce qui est mis en scène de façon humoristique dans cette autofiction reste néanmoins une question délicate à soulever, celle qui consiste à dévoiler certains aspects de soi pas forcément valorisants, comme le rappelle Rousseau : « je n’ai rien tu de mauvais, je n’ai rien ajouté de bon. » Dès lors que l’auteur se dévoile, et que le lecteur reconnaît celui-ci dans le narrateur-personnage, l’écriture autobiographique repose bel et bien sur la confiance en la véracité des propos.
Pourtant, si le pronom « je » revendique sa sincérité, il cherche aussi à influencer la réflexion du lecteur, en réfléchissant lui-même de manière détournée aux événements qu’il rapporte.
C’est ainsi que l’écriture à la première personne permet tout d’abord de mener une recherche sur la nature humaine. Ainsi Michel de Montaigne se prend pour objet d’étude dans les Essais, désireux de réfléchir sur l’homme en général ; il s’exclame de la sorte : « Quant de fois, étant marri de quelque action que la civilité et la raison me prohibaient de reprendre à découvert, m’en suis-je ici dégorgé, non sans dessein de publique instruction ! » C’est donc pour le lecteur, pour son « instruction » que l’auteur se livre à la première personne, tout en prenant soin de s’auto-analyser. La réflexion universelle sur l’homme passe alors par la parole individuelle du pronom « je ».
De plus, parce qu’elle se présent comme véridique, l’écriture autobiographique peut témoigner d’une réalité historique et initier une réflexion sur de grands thèmes, comme celui de la haine de l’autre, dans Si c’est un homme, où Primo Levi pousse le lecteur à s’interroger sur ce sentiment facilement condamnable chez les autres, mais pas forcément identifié chez soi : « beaucoup d’entre nous, individus ou peuples, sont à la merci de cette idée, consciente ou inconsciente, que ‘ l’étranger, c’est l’ennemi ’ » ce qui doit conduire le lecteur, à ne pas considérer le peuple allemand comme ennemi, malgré l’Histoire. Cette pensée, difficile à concevoir a priori, n’est possible à faire admettre que grâce à la première personne, qui montre l’exemple, en quelque sorte.
En outre, l’expression individuelle ne peut éviter la subjectivité, ce qui contribue à influencer le lecteur, contraint de ne voir que d’un point de vue interne les événements et d’adhérer à la sincérité affirmée des propos. C’est ainsi que les écrivains à la première personne réfléchissent au cœur même de l’autobiographie aux limites et aux contraintes du genre : la question de la chronologie est récurrente et André Gide admet dans Si le grain ne meurt qu’ « [il] écrira [s]es souvenirs comme ils viennent, sans chercher à les ordonner. » L’auteur s’interroge sur les problèmes de la subjectivité de la mémoire qui peut déformer les épisodes vécus, ou supposés vécus ; c’est ainsi qu’un souvenir d’enfance de Gide se révèle fort décevant lorsque la mère de ce dernier lui raconte la réalité. Ce questionnement amène ainsi le lecteur à réfléchir lui-même à la façon subjective dont tout individu voit forcément le monde.
Il apparaît, par conséquent, que l’écriture à la première personne ne peut exister sans la confiance qui lie l’auteur et son lecteur, et que c’est grâce à cette confiance que « je » parvient à réfléchir et à entraîner la réflexion de l’autre, sur des sujets universels, alors même que l’écriture est personnelle. Le paradoxe de cette écriture qui dévoile une individualité en même temps qu’elle évoque une réflexion générale suppose à l’époque moderne que les auteurs jouent avec ce paradoxe au cœur même de l’autobiographie, en interrogeant les limites du genre, notamment par le biais de l’autofiction, comme c’est le cas dans l’interrogation que se pose le personnage de Manu Larssinet dans Le Retour à la terre de Manu Larce
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire